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À l’occasion de l’International Bat Appreciation Day célébré aujourd’hui, nous vous invitons à découvrir le parcours de Gérard de Fontenay, un homme de 70 ans pour qui la nature est une passion profonde et une responsabilité. Agronome de formation, ancien des Vergers de Labourdonnais, il vit aujourd’hui à Argy, dans le district de Flacq, où il cultive avec soin un verger d’un arpent et demi regroupant 55 variétés de fruits, des plantes médicinales, des fleurs et de la vanille et apporte toujours sa connaissance au benefice d’autres cultivateurs. Très tôt sensibilisé à l’importance de préserver la biodiversité locale, il défend aujourd’hui la cause de la chauve-souris de Maurice (Pteropus niger), une espèce souvent pointée du doigt par les cultivateurs. Convaincu qu’elle fait partie intégrante de l’écosystème, Gérard prône des solutions techniques et respectueuses, refusant les méthodes destructrices, tout en s’adaptant pour limiter les pertes dans son verger.
Dès son plus jeune âge, Gérard est habité par la curiosité du monde vivant. Il se rappelle encore ses longues marches de Curepipe jusqu’à Macchabé, juste pour pouvoir explorer la forêt. Il appartenait à ce petit cercle de passionnés qui, dans les années 1960-70, allaient retrouver les insectes sur la Montagne du Pouce, curieux de tout ce qui bougeait, rampait ou volait. Son domaine de prédilection ? L’entomologie avec une spécialisation sur les coléoptères. Tandis que France Staub, son dentiste et mentor, photographiait la faune, lui collectionnait les spécimens. C’est au fil de ces explorations qu’il rencontre Jean-Michel Vinson, naturaliste mauricien, qui lui confie une mission restée gravée dans sa mémoire : avoir un œil sur un lézard aperçu des années plus tôt par son père Jean Vinson, conservateur du musée de Port Louis et éminent entomologiste. Et c’est ainsi qu’en 1972, en soulevant une pierre, Gérard découvre pour la première fois le scinque de Macchabé (Gongylomorphus fontenayi) qui aujourd’hui porte son nom. Une reconnaissance discrète mais significative pour un homme qui n’a jamais cessé d’observer avec humilité.
Il aurait pu partir au Jersey Zoo, Royaume Uni, avec une bourse offerte par Gerald Durrell, naturaliste de renom international et propriétaire du zoo. Il aurait pu travailler pour le gouvernement à son retour. Et devenir le digne successeur des Vinsons, de Staub et autre, mais à une époque où la protection de la nature n’était pas encore une priorité nationale, il choisit une autre voie, celle de l’agronomie. D’abord dans l’industrie sucrière à Constance et ensuite aux Vergers de Labourdonnais. Il y met ses connaissances au service de la terre, tout en gardant un lien fort avec les espèces endémiques, allant jusqu’à nourrir les chauves-souris après le passage du cyclone Dina.
Aujourd’hui, il continue de chercher l’équilibre, même face aux conflits que suscitent les chauves-souris frugivores de Maurice. « La chauve-souris fait partie du biotope », répète-t-il. Bien sûr, elles visitent parfois son verger, s’aventurant sur les mangues, les fruits à pain ou les goyaves mûres. Mais Gérard ne leur en veut pas. Il a mis au point un système ingénieux : des bouteilles contenant des boules de naphtaline, accrochées aux branches, dissimulent l’odeur des fruits mûrs et découragent les visiteurs ailés sans leur nuire. Tous les dix à douze jours, il remplace les boules, un petit rituel devenu essentiel. Et surtout, il taille ses arbres pour les maintenir bas, rendant la tâche plus difficile aux chauves-souris. Par ailleurs, il effectuera bientôt des tests avec un système de cordage installé autour des arbres et qui pourrait être efficace pour décourager les chauves-souris de s’en approcher.
Il le dit sans détour : il comprend les frustrations des agriculteurs, mais il sait aussi que tuer ces animaux est une erreur, souvent due à la méconnaissance. Il le voit bien, les chauves-souris mangent aussi des fleurs, des fruits, des bourgeons, du nectar en forêt. « S’il y avait assez à manger dans la forêt, elles n’auraient pas besoin de venir jusque dans les vergers. » Et puis, selon lui, la nature régulera d’elle-même. « Elles ne peuvent pas dépasser les 150 000. Si un gros cyclone frappe, il faudra même penser à les nourrir pour éviter qu’elles ne meurent de faim. »
Gérard est d’ailleurs membre du Human-Wildlife Conflict Working Group où il partage ses idées et sa passion au sujet de l’agronomie et la conservation de la nature. Ce comité, regroupant des représentants de la Mauritian Wildlife Foundation; d’instances gouvernementales tels que le F.A.R.E.I, le Forestry Service,le National Parks & Conservation Service ; ainsi que des écologues de l’Universite de Maurice ; des agronomes et des spécialistes en chauves-souris, et en conflit homme-nature, se réunit plusieurs fois l’an pour discuter des solutions pour régler ce conflit tout en sensibilisant le public et d’autres parties prenantes sur l’importance de protéger la chauve-souris frugivore de Maurice.
Chez Gérard, les pic-pics viennent picorer les insectes dans les branches, les lézards se faufilent entre les fleurs, et certaines chauves-souris volent au crépuscule. C’est un verger vivant, entretenu avec soin, une petite arche de biodiversité au cœur de l’île.